samedi 21 février 2015

Lettre au Paradis


Cher Paul,

Tu es mort il y a déjà une semaine, et nous t'avons enterré hier. Je déposerai tout à l'heure cette lettre. Je m'ouvre à toi. Je t'ouvre mon cœur. Et si dans l'autre monde où tu es parti, tu peux lire ma lettre, je t'en prie lis-la mais surtout ne me juge pas.

Tu es mort dans un accident de voiture, le jour de tes 17 ans, tu rentrais de soirée. Tu avais bu et je n'étais pas là pour te dire d'arrêter. Tu n'as jamais voulu m'écouter de toutes manières, et puis tu ne voulais plus me voir. Tu ne m'as jamais donné de raison et j'en suis attristée. J'aurais tellement voulu savoir le fond de tes pensées, Paul.

Je te connais depuis que je suis enfant, et je pensais bien te connaître, mais l'adolescence t'a changé, Paul ! Tu es devenu irresponsable, et tu m'as repoussé. Je n'étais pourtant pas collante. J'espérais réussir à conserver notre amitié, et commencer ma vie d'adulte à tes côtés. En amie, bien sûr ! Ne t'imagine rien. Non, rien.

En écrivant cette lettre, je pleure et mes larmes roulent doucement sur mes joues. Tu m'as déjà vu pleuré pourtant, mais aujourd'hui j'ai honte de pleurer devant cette feuille où je te parle. Tu me manques, tu me manquais toujours quand tu n'étais pas là, même si c'était seulement 10 minutes. Paul, tu m'obsédais. Tu étais mon confident, jusqu'au jour où sans raison, tu m'as ignorée. Je te faisais honte, n'est-ce pas ? J'aurais aimé que tu m'expliques. J'aurais aimé que tu te confies à moi. Tu ne l'as jamais fait. Tu étais trop dans ton monde : jeux vidéos, alcool, soirées, et plans-cul. Et moi, j'étais trop sage pour toi. Je prenais mes cours vraiment au sérieux, je voulais avoir le Bac. Je le raterais, pour toi, Paul. Oui, pour toi.

Pourtant, lorsque nous étions enfants, nous jouions sans fin dans le bac à sable. T'en souviens-tu au moins ? J'enrage de pleurer ta mort. J'aimerais ne pas souffrir par ta faute, mais depuis trop longtemps, tu me fais du mal. Ta mort est au fond une délivrance pour moi, et pour nous tous. Oui, c'est méchant ce que je te dis ! Mais, n'es-tu pas méchant, toi ? Si tu savais vraiment pourquoi je t'écris, tu sauterais au plafond, et tu te moquerais de moi. En fait, je sais depuis toujours pourquoi tu m'as laissé tomber. J'ai failli te le dire de ton vivant, et tu as dû comprendre, mais tu ne voulais pas entendre la vérité. Tu es parti, tu t'es fermé, et tu ne m'as plus adressé la parole. Malgré cela, Paul, malgré que tu m'ignorais depuis presque 6 mois, je suis venue à ton enterrement, parce qu'au fond de moi, tu étais toujours mon meilleur ami. Et tu le resteras pour toujours, désormais, puisque tu es mort. Mort, Paul, mort ! Comment puis-je vivre sans toi ? Sans l'espoir de renouer avec toi un jour ? Je n'entendrai plus jamais ta voix me dire « Lila, arrête tes sottises, tu sais bien que tu comptes pour moi. » Tu me disais cela il y a un an. Et pour moi, ça fait déjà une éternité. 6 mois après, tu partais. Paul, je vais te dire tout ce que j'ai sur le coeur depuis ton départ. Ne me juges pas, surtout. Je t'en prie.

Quand tu es parti, j'ai voulu te courir après. La main de Milanie m'a arrêté. Elle m'a demandé de me calmer, et elle a voulu me rassurer. Elle m'a dit que tu reviendrais. Tu n'es jamais revenu, et tu ne reviendras jamais. Tu es parti pour toujours désormais. Ensuite, j'ai essayé de me concentrer sur mes cours, de rester la fille sage que j'avais toujours été. Je n'ai pas réussi. Me croiras-tu, mes notes ont baissé considérablement, j'ai perdu 6 points, et désormais je tourne autour de 10 de moyenne. Toi, tu me diras sûrement que c'est la meilleure note que tu n'as jamais eu, mais ça non plus tu ne peux plus me le dire. Tu ne peux plus rien me dire.

Oui, je ne t'ai pas dit que je déprimais à cause de toi quand on était venu manger chez toi avec papa et maman. D'ailleurs, j'en veux toujours à tes parents. Je sais bien qu'ils espéraient qu'on se réconcilie, car... Paul, ils connaissent la vérité, ils savent pourquoi je suis aussi triste de ton départ, et de ta mort. Ils me connaissent mieux que toi au fond, et lorsque j'étais enfant, je me plaisais à les appeler tata et tonton. Ils étaient de la famille pour moi, et ils ont tout de suite compris mes sentiments. J'ai été comme leur fille, et ils auraient aimé que je la devienne. Mais qu'est-ce que ça fait d'être parents d'un fils comme toi ? Beau, grand, musclé, le genre de garçon dont toutes les filles rêvent un jour, et rêvent depuis toujours. Inaccessible malheureusement. Moi, je ne rêvais pas d'un garçon comme toi, je rêvais de toi. Oui, Paul. Je te voulais meilleur ami et confident et j'espérais être pour toi ce que tu représentais en secret pour moi. Je t'ai toujours considéré comme le meilleur garçon du monde, comme... Je te l'ai déjà dit, mon meilleur ami.

Au bout d'un mois, Milanie m'a emmené dans un salon littéraire, j'ai rencontré des auteurs et j'ai acheté de nombreux livres pas chers. Je sais que toi qui n'aimes pas lire, ça ne t'intéresse pas, mais je n'ai jamais pu te raconter ma vie à loisir. Tu m'interrompais toujours pour me parler de tes petites amies et du nouveau cocktail que tu avais testé, jusqu'au fameux jour. Tu ignores beaucoup de choses sur moi, sur mes pensées. Tu ignores l'essentiel, Paul, et aujourd'hui dans cette lettre je vais te le dire. Enfin, je peux m'ouvrir à toi. Enfin, je peux te dire la vérité.

Si ça se trouve, dans quelques années, tu serais revenu vers moi, et tu m'aurais dit tout ce que je rêve d'entendre depuis mes 10 ans. Et oui, Paul, ça date. C'était déjà il y a 7 ans. Dans un an, j'ai le Bac. Mais ce que tu ignores par rapport à mes études, c'est que tout ça ne me sert à rien. Je ne sais plus quoi faire, et dans ma tête, mon avenir semblait tout tracé.
« Figure-toi que je vais prendre une année sabbatique, et qu'après celle-ci, je serai en formation dans l'entreprise à papa. Pour mes 20 ans, il prendra sa retraite et je serai la chef de cette entreprise. Si tu savais, Paul, à quel point notre famille est riche ! Mais nous vivons comme des gens ordinaires, pour éviter le vol. Nous sommes des gens intelligents et j'aurais aimé que tu le sois. »
Mais je ne t'écris pas pour te vanter mon futur bonheur, car à quoi bon le réaliser si tu n'es pas là ? Et pourtant, je suis toujours là devant cette feuille blanche, pleurant ta mort.
Paul, sans toi ma vie est une impasse, c'est comme un tunnel dont on ne voit pas la fin. Me comprends-tu, Paul ? « J'avais envie de partager cet argent avec toi, avec un enfant, mon enfant et celui de son père, et toi tu serais quelqu'un de très particulier pour le bébé, quelqu'un de très proche. Un confident, peut-être. Qui sait ce que l'avenir nous aurait réserver à nous 3 et au père, nous 4 donc ? Qui sait... »

Paul. C'est un magnifique prénom, et j'appellerai mon fils de cette façon, si un jour je suis maman. Depuis ton changement de comportement envers moi, et surtout depuis ta mort, je n'ai plus goût à rien. L'envie de vivre m'a quitté et te rejoindre dans l'autre monde me plairait bien. Mais je reste pour mes parents. Ils n'accepteraient pas ma mort, surtout si je leur dis que c'était pour te suivre dans l'infini.

Sauf que tu es mort, et que ce futur bonheur est devenu flou. Papa et maman pleurent, tes parents sont atterrés. Ils me plaignent de tout cœur, et j'aimerais les plaindre aussi. Mais j'ai du mal, beaucoup de mal. Je leur reproche de t'avoir éduqué comme ça, c'est un peu de leur faute si je ne t'ai jamais eu, et si tu es parti. Je suis horrible, et je le sais. Je pleure toujours, et je m'en désespère. Je ne sais plus quoi faire, ni quoi dire pour éviter de te faire te retourner dans ta tombe. Mais je sais que tout à l'heure, quand je poserai la lettre, tu te retourneras. J'ai envie de te la lire, si je suis seule au cimetière, mais je ne sais pas si j'aurai la force et le courage. Sais-tu à quel point je me sens faible et minable ? Tu sais, j'avais beau critiquer ta façon de vivre, je l'enviais. Tu n'avais peur de rien et tu souriais à la vie, à ta manière bien sûr, mais tu souriais. Moi, malgré les grands airs que je me donnais, j'étais faible, et je le suis encore plus depuis ta mort. Ton départ n'était rien, je m'en aperçois aujourd'hui. Et je regrette ce que je n'ai pas fait, je regrette ce que je n'ai pas dit. Peut-être que si j'avais été moins sage, tu ne serais pas mort aujourd'hui et peut-être que j'aurais ce dont je rêve. Maintenant, je peux toujours rêver, te déposer des fleurs sur ta tombe, te parler de l'avenir. Tu n'en as plus.

Paul, c'est très important, je t'en prie, lis cette lettre jusqu'au bout, ne saute aucun passage, et à la fin, ne me juge pas.
J'adore la lecture, et j'écris avec facilité mais pour dire ce que je veux te dire depuis quatre pages, je n'ai pas les mots. Il me suffirait pourtant d'en écrire trois, les trois vrais et les trois importants, mais même par écrit, même si tu es mort, je crains que tu ne partes encore plus loin que ce que tu ne l'es déjà. As-tu compris, Paul ? Te souviens-tu de ce jour il y a 6 mois ? Vais-je vraiment devoir écrire les trois mots que je redoute de te dire ? Paul, oh mon dieu ! Pourquoi es-tu mort ? Que puis-je faire sans toi ?

Mon bureau est trempé de larmes salées, mais cette feuille reste intacte pourtant. J'en prends soin. Je veux qu'elle soit la plus belle feuille du monde, avec les plus beaux mots du monde. Je veux que cette lettre soit unique, et je veux qu'elle te parvienne. La liras-tu, si tu le peux ? J'aimerais que tu me répondes. Mais je sais que c'est impossible, et mon chagrin est immense. Mes parents aimeraient que je sorte de ma chambre, mais s'ils savaient ce que je suis en train de faire, en train d'écrire... Je suis complètement perdue, et je recherche sans cesse que faire de bien. Ils doivent m'entendre pleurer, mais je m'en moque. Lorsque j'aurai fini cette lettre, je pleurerai à loisir et alors, je murmurerai les mots que je rêve de te dire depuis maintenant trop longtemps. Et les mots que je risque très fortement d'écrire à la fin de cette lettre pour
être sûre que tu aies compris. Pourtant, je sais que tu n'es pas idiot, Paul.

Chaque jour depuis ta mort est comme un jour de plus en enfer pour moi. Sans jamais y penser, et sans que personne ne le sache, je me sens coupable de ta mort. Tu étais la perle rare, je t'ai laissé t'échapper. J'aurais dû laisser faire le temps.

Je pense que tu as compris, et ma lettre touche à sa fin. J'espère que tu te portes mieux là où tu es. J'espère que l'infini te plaît. Soigne tes blessures car tu n'étais pas beau à voir, même préparé pour ton enterrement. Mais malgré ça, je ne voyais que ton visage, et j'adorais tes yeux d'un bleu profond. J'appréciais ta personne toute entière et je te voulais pour moi seule.

Je pense à toi chaque jour, mon Paul, mon cher Paul. Adieu,

Paul ... Je t'aime.

Lila, à Bourg-St-Maurice, le 27 août 2013.
© Jade SILVIN, Août 2013

vendredi 14 février 2014

Ma quête vers l'humanité


Une vie au château-fort
J'étais fort, courageux, loyal, audacieux, compatissant, grand comme le voulait mon père. J'étais fidèle à mon seigneur et je me battais comme un noble chevalier.
Mais un jour, par malchance et par manque de rudesse, je me battis contre un ours lors de la chasse seigneuriale au côté de mon père qui est aussi mon seigneur. Je lançai une flèche sur l'ours, le plus agile de tous et de tous les royaumes. Il rattrapa la flèche et la lança dans ma direction. Même un vilain se serait moqué de moi.
La douleur fut si forte que je ne pus me retenir de crier. C'est dur de mourir : on voit du noir et puis plus rien.
C'est ainsi que se déroula ma « mort ». Mon père disait toujours que je ne ferais pas de mal à une mouche. Il faut déjà arriver à l'attraper !

Ma vie d'ours
Je me réveillai tout en sueur devant mon père qui me regardait effaré. J'eus peur : encore une chose à éviter en tant que chevalier et en tant que fils du seigneur.
Et ensuite mon père, pour la première fois de sa vie, cria au malheur. Il enfourcha son cheval, mit le pied dans l'éperon et partit au galop.
C'est alors que je pris conscience de mon état. J'étais ce que l'on appelle un ours : la peau brune, épaisse, de grands yeux, de grandes narines (pour sentir ma peau qui ne sent guère bon), un museau énorme, des griffes longues et acérées, une corpulence impressionnante... Bref, un typique ursidé.
J'étais devenu l'ours chevalier Ordos.
En face de moi se tenait un homme de parure parfaite, avec son écu, son destrier, son cheval... : moi ! Un miroir ? Dans une forêt ? Un sosie ? Non, cela ne pouvait pas être un miroir car j'étais un ours. Cela pouvait être un sosie. Je voyais devant moi mon parfait portrait : l'homme robuste que j'avais été. C'est alors que je perçus quelque chose hors du commun dans son regard. J'émis cette hypothèse : l'ours m'avait renvoyé la flèche, la flèche m'avait transpercé, et nous avions échangé nos corps. Cela ressemblait à un conte de fée ou à une histoire d'horreur mais je ne rêvais (ou ne cauchemardais) pas.
Après toutes ces pensées, j'eus faim. Que mangent les ours ? Comment se nourrissent-ils ? Comment se procurent-ils leur nourriture ? De quelle manière l'avalent-ils ? Mangent-ils beaucoup ? Que boivent-ils ? Toutes ces questions tourbillonnaient dans ma tête. Je ne connaissais pas la famille des ursidés qui comporte les ours et les pandas.
Pourtant, mon instinct me poussa vers la rivière. Je plongeai ma tête dans l'eau et je bus, très longtemps... J'eus tellement bu à la fin que mon estomac gargouillait. Je pêchai des poissons de toutes sortes : truites, barbeaux, brèmes, ombres... Il y avait de quoi nourrir un château-fort entier avec ses dames, ses chevaliers, son seigneur et même certains vilains et serfs. Pour un ours, c'était le véritable paradis.
J'avais une facilité à courir dans mon grand corps d'ours, alors je courus. Je longeai la rivière.
Cela ne faisait que quelques heures que j'avais quitté mon ancienne vie de chevalier, ma famille, mes amis et déjà ils me manquaient tous...
En fait, où se logent les ours ?

Ma quête vers la pensée
J'ai dû me rendormir dans mes si bons et chaleureux souvenirs car je me réveillai dans le froid, sous un arbre. D'habitude, après un cauchemar, on se réveille dans son lit et on se rendort pour faire de beaux rêves de demoiselles mais là, je restai Ordos, l'Ours Chevalier. Il me fallait à tout prix retrouver mon apparence humaine, je voulais redevenir homme ! Mon subconscient, qui souvent a raison, me disait que ce ne serait pas possible et qu'il faudrait que je m'habitue, pourtant, je gardais tout au fond de moi un espoir pour ma retransformation.
Les semaines passèrent et toutes les nuits je faisais un rêve : celui de ma quête vers l'humanité. Mais une nuit, je rencontrai une dame qui me révéla ce que je voulais : comment retrouver mon apparence humaine. C'était cette fée qui m'avait transformé, elle voulait que je la délivre. Elle avait été enfermée dans le monde des rêves par un sorcier. Pour la délivrer, il fallait qu'un ours tue le roi des surnaturels. Elle m'a transformé, moi, si noble et si généreux. Le roi pouvait croire que j'étais un ours de nature. Si je voulais redevenir humain, il fallait que j'accomplisse cette tâche...
Deux semaines passèrent et mes nuits furent mouvementées : la fée me rappelait ma tâche et j'inventais un physique au roi des surnaturels.

Le combat épique : mon retour
Une nuit, la fée me montra son roi : il était musclé, robuste, prêt à se battre à tous moments et il connaissait la bataille que nous allons appeler la bataille de la fin car un de nous deux allait mourir. Il me regardait avec un regard noir. Il fallait donc que je combatte ce monstre ! Je ne pensais pas réussir.
Un jour, assez tôt le matin, il se présenta devant moi alors que je prenais des baies comme petit déjeuner. Cela me surprit et j'eus peur. C'était la première et peut-être la dernière fois que j'avais de la visite en ours.
Étrangement, ce roi loup-garou et roi surnaturel déposa à mes pieds un équipement chevaleresque : un heaume, une lance, un écu, un destrier et une épée sans mot dire. Cela me rappelait mes quinze ans pendant ma cérémonie de l'adoubement, les tournois que nous faisions devant public. Mais à cet instant, ce n'était pas la même chose : il allait me trancher la tête et ce serait fini pour moi. Il me regardait toujours de son oeil méchant. Il paraissait excité à l'idée de cette bataille et surtout de la fin...
Soudain, il me lança sa lance en pleine face. J'esquivai de justesse. Je lui donnai un coup d'épée. Il bascula en arrière mais réussit à me frapper de plein fouet. Pourtant, malgré ma justesse et ma rapidité, je n'arrivai pas à l'esquiver et roulai au sol.
Je me lève mais il me donne de nouveau un coup. La rage donne de la force, alors, je lui arrache des mains sa lance et le fais rouler par terre. Il tente de me couper la tête mais mon écu provoque un bruit métallique. Je suis bien équipé mais lui est mieux équipé que moi : nous ne sommes pas à égalité. La contrainte fait le courage et le courage fait la ruse et la ruse fait la victoire. Alors, je l'attaque par derrière. Surpris, il manque de s'écrouler. Si le regard tuait, je serais mort un certain nombre de fois ce matin ! Il me donne alors un coup si près du coeur que je faillis perdre connaissance. Mais le courage donne l'éveil, alors je le frappe avec ma lance dans le cerveau. À chaque fois qu'il me donne un coup, je lui en rends le double. Je suis moi-même épaté par mes performances. Son épée est plus aiguisée que la mienne pourtant mon destrier et mon armure résistent assez bien.
Grâce à la rudesse d'un de mes coups, le roi qui se croyait si fort, voire invincible roule sans connaissance jusqu'à la rivière.
J'ai réussi ce combat épique.
Après ce si dur effort qui a duré bien plus qu'une matinée, je dormis longtemps... je rêvai de choses et d'autres...
Lorsque je me réveillai, je me trouvais dans ma chambre, dans mon château-fort, mon père me regardait et la fée aussi...

Ici s'arrête ce récit que j'ai écrit en hommage à ma fée qui est décédée hier, victime de la peste... Je pleure sur ce papier...
© Eole SILVIN, décembre 2013

jeudi 21 juillet 2011

Le plaisir d'écrire


Dans le monde où la communication rapide tient lieu de dogme, le téléphone a tout naturellement conquis la première place. Mais les mots échangés par le câble téléphonique n'ont qu'une vie éphèmère. A peine prononcés, ils sont précipités dans l'oubli, bousculés par leurs congénères proclamant eux aussi leur droit à l'éxistence. Triste sort que celui des paroles volatiles qui ne laisseront rien à la postérité. Heureux statut que celui des mots couchés sur le papier, lus et relus, appelés à conserver notre mémoire. Ecrire, voilà un verbe sujet à compléments.

Il est révolu le temps des moines qui se livraient au dur labeur de la copie. «  Le travail est rude, disait l'un d'eux : il brouille la vue, courbe le dos, écrase le ventre et les côtes, tenaille les reins et laisse tout le corps douloureux ». Encore au XIXème siècle, éducateurs et médecins étudient-ils avec soin la position du corps et du cahier afin d'éviter les déformations osseuses et les risques de myopie. La crampe de la main est une véritable obsession ; en témoignent les dizaines de brevets qui furent déposés pour des appareils destinés à lutter contre cet autre mal du siècle. Pour certains, l'écriture est, au contraire, une source de jouissance corporelle : « Dans l'écriture, dit Roland Barthes, mon corps jouit de tracer, d'inciser rythmiquement une surface vierge... »

Le choix de la plume n'est pas indifférent à l'épistolier. La plume d'oie à longtemps été l'instrument privilégié de l'écrivain. Mais, pour les occasions exceptionnelles, on recommandait l'usage de la plume de paon ou du pélican. Malheureusement, les modestes volatiles n'ont pas fait le poids devant les Sergent-major, bataillon de plumes au caractère d'acier. A leur tour, ces dernières céderont le pas à la bille du stylo.

Au-delà des sensations physiques procurées par le geste de l'écriture, il y a, dans l'acte même, une source de plaisir qu'étendent à l'infini les mille et un évènements heureux qui ponctuent notre existence. La vie, en effet, multiplie les occasions d'écrire. Quoi de plus délicieux que d'annoncer une naissance,un mariage, la réussite à un examen ? A la joie d'écrire une lettre répond le plaisir de sa lecture. En effet, placé sous le signe du partage, le plaisir de l'épistolier se prolonge à l'idée que la bonne nouvelle provoquera une joie intense chez son destinataire.

Rien ne remplace la force des mots et rien n'est plus simple que d'envoyer ses félicitations, ses voeux, souhaiter une bonne fête ou un joyeux anniversaire. Veut-on déclarer sa flamme à l'être aimé dans le silence ? Prendre la plume est le moyen le plus sûr pour y parvenir. La lettre affranchit de la timidité : l'amoureux transi dévoilera plus facilement ses sentiments par la médiation du facteur que devant sa belle. C'est une partie de soi-même que l'on met à l'intérieur de la lettre. Combien de jeunes gens n'ont-ils pas gardé sur leur coeur la missive parfumée ? Enfinil n'est peut-être pas d'acte plus social que d'écrire une lettre. La correspondance épistolaire rapproche les familles dont les liens se sont distendus en raisons d'obligations professionnelles, du départ au régiment ou de la nécessité de quitter le foyer pour suivre des études à la ville. Ecrire rompt la solitude et apporte le réconfort.

Nul besoin de talent pour écrire une lettre, il faut surtout du coeur... A chacun son style. C'est avec leurs mots que douze artiste de la bande dessinée ont décliné le plaisir d'écrire. Douze timbres-poste qui sont comme un appel à lutter contre l'oubli...

Texte accompagnant une série de timbres-poste français ( valeur faciale 2,80 Frs ),
parce qu'écrire fait souvent plaisir

Le pain de Granive


Je suis un pain au levain nature
Sans une once de levure
L'eau, l'air, le feu m'ont façonné
Un peu aussi le boulanger...

Farine, eau sel et levain
Se mélangent dans le pétrin
Au bout d'une heure de levée
La pâte est prête à façonner

Alors doucement, je me coule
Et m'installe au fond des moules
Mais il faudra quatre heures encore
Pour que ma pâte ait tout son corps.

Le four est chaud, les briques blanches
Les pâtons sont enfournés
Pas le moment de lambiner
Il y a du pain sur la planche...

C'est alors un grand mystère
Sueur de l'eau, moiteur de l'air
Bien malin qui pourrait savoir
Ce qui se passe dans le noir

Et puis le four enfin ouvert
Voilà ce qu'on a découvert :
J'étais entré en toile blanche
Je sors tout en habit doré.

Quand tu mange ton pain
Pense à qui sema le grain,
Songe à la peine du Moissonneur,
Pense au Meunier, à son labeur
Et n'oublie pas le Boulanger...

Anonyme du Xxème siècle
Coup de coeur pour mon boulanger préféré

lundi 11 avril 2011

Terminus


Fréjus, Munich, Paris, Manchester, Chambéry...
Autant de noms, et j'en oublie, qui ont ponctués ma vie. « Les voyages forment la jeunesse et déforment les valises » a dit un philosophe-comique. Au fil des années, je m'aperçois comme c'est juste.

Et pourtant, j'ai vécu toutes les modes : depuis la malle en osier maintenue fermée par une sangle jusqu'à aujourd'hui ces sacs à roulettes. J'en ai porté de toutes les couleurs ( roses, noires , marron, vert kaki et même arc-en-ciel ), de toutes les tailles, de toutes les formes.
Avant le bagage était simple. De nos jours, il y a le bagage à main et, celui que je préfère, le bagage en soute. Avant, il était presque anonyme. De nos jours, Vigipirate exige qu'il soit identifié. Exemple : Monsieur machin, 10 rue Bidule, Saint-perpète à destination de Trifouillis-les-Oies, Hotel de la Colinne.

Malgré ces précautions, il y a encore de bonnes surprises, quelques anecdotes que je souhaite vous raconter.

Tenez, je me souviens de ce voyage d'ados. Ils partaient pour une semaine en Allemagne, hébergés chez l'habitant. Comme le veut la politesse, chacun avait emmené un petit cadeau. Soudain, le monde si bien rangé des valises se mit à murmurer, à tempester. Bref, ça n'allait pas fort.

    • Dites donc, d'où vient cette odeur ? Interroge une grosse valise usée. J'ai jamais rien sentit de pareil.

Sa petite voisine, légèrement intimidée, rougie. C'est son premier voyage, elle se sent un peu écrasée. Et l'odeur provient d'elle.
Il semble que les allemands raffolent de fromages français. Alors, Camille avait glissé dans sa valise un reblochon. Les heures et la chaleur aidant, celui-ci se laissait un peu aller. Beurkk !!!

Et ce départ vers Athènes, en juillet, lorsqu'on me signala la présence d'un étranger à bord. Il s'agissait d'un énorme sac à dos bourré à craquer. Ses voisines et voisins, plutôt taille de guêpe, pensez donc, ils n'avaient que des serviellets de plages et maillots de bains à transporter, s'étonnèrent. Les moqueries fusèrent.

    • Eh bien, t'as pris du poids cet hiver ! On t'a pas dit qu'on allait voir la mer ? hurla un sac noir.
    • Tes poignées, mon gars, c'est plus des poignées d'amour, renchérit une autre.
    • Ben ! Euh... ! Ben ! Bafouillait le pauvre sac à dos, ne sachant oùu se glisser pour être oublier.
    • Allez, vide ton sac ! ( Eclats de rires ) t'as quoi là-dedans ? Ne nous fait pas languir dit une valisette rose.

C'est ainsi qu'il expliquat avoir des vêtements de haute-montagne : vestes, pantalons, gants, bonnets, et tout le matériel nécessaire à l'ascension d'un huit mètres. Tous les autres en eurent froid dans le dos.
    • Mais, tu fais fausses route l'ami. Tu vas où ? questionna le premier.
    • Ben ! En Hymalaya ! C'est pas le bon vol ? Répondit-il
    • Hahaha, hahaha ! Il veut s'envoyer en l'air. Eh mec, t'es dans la soute d'un autocar de tourisme qui va voir la mer. Ça te dit quelque chose le mot plage.
    • Un peu, répod fièrement le sac de montagne, j'y suis allé l'année dernière.

Face à tout ce remue-ménage, l'intervention du chauffeur de car fut salutaire. Il fit le nécessaire pour que le clandestin retrouve la bonne destination.

Ce sont des souvenirs marrant. Malheureusement, une fois nous ne sommes pas passés loin d'un drame.

Des gamins, en attendant le départ, jouaient à cache-cache. L'appel avait eu lieu sur la place du rendez-vous. Lors du recomptage des enfants dans le car, les accompagnateurs s'aperçurent de l'absence du petit Jules.

    • Qui a vu Jules pour la dernière fois avant de monter ? demande le maître.
Ses copains expliquent qu'ils ont jouer à cache-cache. Les adultes ressortent et font le tour du véhicule. Le chauffeur entend taper de l'intérieur de la soute. Trop bien caché, Jules se retrouvait enfermé. Tous le monde s'est pris une ramonée. Je crois sans mentir que tous s'en souviennent encore.

Heureusement des cas comme ça, je n'en ai pas beaucoup en stock dans ma mémoire. Le plus souvent, ce sont des problèmes de bouteilles de shampoing qui fuient, de roulettes cassées, de bagages confondus...

N'empêche que j'ai la mélancolie qui me gagne. Toutes ces années à transporter des bagages de toutes sortes et savoir que, ce lundi 11 avril, c'est mon dernier voyage, j'ai le moral à zéro.

Des kilomètres et des kilomètres et voilà le TERMINUS, le mien. Tout le monde descend définitivement.

Tout à l'heure ma porte s'ouvrira. Des mains s'arracheront les sacs. Il y aura des rires, des embrassades... Et moi j'aurais de larmes car personne n'aura une pensée, un regard pour moi, la soute à bagages, lorsque la porte pour la dernière fois se refermera
Après, je crois que l'autocar part à la casse.


© Laurent SILVIN, lundi 11 avril 2011

lundi 21 mars 2011

Réservé


Seul, on peut l'être,
Au milieu d'une de fête.
Entre les beaux parleurs
Et les mauvais joueurs,
Il est parfois difficile
De trouver la vie facile.
Si l'on est timide,
Si le regard est humide,
On ne peut s'imaginer
Entrain de bouger,
Alors, on reste dans son coin.
Loin, très loin.
On n'ose pas paraître
Ni même se faire connaître.
Pourtant on aimerait bien
Avoir plusieurs copains,
Même s'ils se comptent
Sur les doigts de la main.
Mais on se raconte
Un tas de choses.
Des rêves en overdose !
Et l'on reste à la traîne.
Pourtant, il suffirait d'une étincelle,
D'une parole un peu belle,
D'un geste banal
Dans une vie anormale,
Pour qu'un sentiment explose
Et les jours soient roses.

D'un tout petit rien
Qui souvent fait du bien.

© Laurent SILVIN, mars 1989
Extrait de « Pensées ordinaires par Moustache »
Éditions éphémères La Tocante

La vogue


Nous sommes venus pour dépenser.
Nous sommes venus pour s'amuser.
Ici, nous donnons un franc,
Un peu plus loin cinquante francs,
On nous assure gagnant !

A la vogue, nous jouons
De toutes les façons.
Que nous soyons petits ou grands,
Nous sommes tous des enfants.

Et puis, si la roue tourne,
Alors, on y retourne.
Même du tunnel aux horreurs,
Nous n'en avons pas peur.
L'essentiel, c'est le bonheur !

A la vogue, nous jouons
De toutes les façons.
Et nous passons contents
De merveilleux moments.

Mais si l'on repart penaud
Avec le coeur gros,
On pense en soi
« peut-être la prochaine fois,
Des peluches plein les bras ! »

Et la vogue, nous quittons
Detoutes les façons,
Laissant aux machines avides
le contenu de nos porte-monnaies vides.

© Laurent SILVIN, mai 1989
Extrait de « Pensées ordinaires par Moustache »
Éditions éphémères La Tocante