jeudi 17 mars 2011

Tu es mon fils !


Dans ma tête résonne encore cette voix familière, le téléphone continue ses bip-bips...
En quelques secondes, les images resurgissent d'un passé pas si lointain.

Que de choses vécues depuis cet été de 2003. Le soleil chauffait, les esprits aussi. Suite à un accident de moto, qui m'avait laissé sur le bas côté de la vie quelques semaines, j'étais en pleine reconstruction . Une lente sortie du chaos, grâce au soutien d'une équipe médicale et psychologique exceptionnelle.
Celle-ci me permit de retrouver le plaisir de marcher dans les bois, lire des romans et fréquenter mes amis. Je vous jure qu'après une telle épreuve vous n'en demandez pas plus.
Lorsque l'amour s'en mêle, cela devient à la fois plus agréable et plus compliqué. Il faut bien, un jour, présenter l'être aimé à la tribu familiale. Véritable drame en devenir !

15 août : jour de fête, jour de défaite... jour de fuite, plus rien.

Nouvelle période de vide mais la moto n'est pas en cause. Après le corps, voilà le coeur meurtri, plus de service médical pour vous soutenir. Vous n'êtes pas malade, simplement en rupture, éloigné... inexistant.
Vos lettres restent sans réponses, vos coups de téléphone tombent dans une boîte vocale... anonyme : « Bonjour vous êtes sur le répondeur téléphonique du numéro... etc. »

Aujourd'hui, c'est ce téléphone injoignable qui me joins. Et cette voix, que je n'ai pas oublié, s'est mise à me parler, à se confier.
Mon père franchissait enfin ce vide qui nous séparait.
Il me dit combien il avait pleuré depuis mon départ. Il s'excusa des mots prononcés ce 15 août 2003. Je l'avais choqué en lui présentant Vincent. Lui, le bûcheron, le fils de paysan, m'avoua n'avoir jamais compris ce fils que j'étais. D'ailleurs étais-je son fils lorsque je préférais les livres aux durs travaux manuels, un homme à une jeune fille comme compagnon de vie ?

Je compris soudain pourquoi mom père était si bourru lorsque j'étais enfant.

Il me dit que des larmes coulaient chaque soir de ses yeux depuis huit ans. Il m'avoua être, aujourd'hui, fier de moi, de ma réussite, de mes combats en faveur des minorités. Il m'avait découvert et compris en lisant tous les livres et articles que je publiais régulièrement.

Enfin, et c'est cela qui me boulversa le plus, ses bras n'en pouvant plus de ne serrer que du vide, il me demanda de lui donner le numéro de la porte de mon appartement. Il se trouvait au pied de mon immeuble.

A cet instant, il raccrocha son portable. Bip-bip.

J'ouvris la porte pour tomber dans ses bras.

© Laurent SILVIN, mercredi 9 mars 2011

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