lundi 11 avril 2011

Terminus


Fréjus, Munich, Paris, Manchester, Chambéry...
Autant de noms, et j'en oublie, qui ont ponctués ma vie. « Les voyages forment la jeunesse et déforment les valises » a dit un philosophe-comique. Au fil des années, je m'aperçois comme c'est juste.

Et pourtant, j'ai vécu toutes les modes : depuis la malle en osier maintenue fermée par une sangle jusqu'à aujourd'hui ces sacs à roulettes. J'en ai porté de toutes les couleurs ( roses, noires , marron, vert kaki et même arc-en-ciel ), de toutes les tailles, de toutes les formes.
Avant le bagage était simple. De nos jours, il y a le bagage à main et, celui que je préfère, le bagage en soute. Avant, il était presque anonyme. De nos jours, Vigipirate exige qu'il soit identifié. Exemple : Monsieur machin, 10 rue Bidule, Saint-perpète à destination de Trifouillis-les-Oies, Hotel de la Colinne.

Malgré ces précautions, il y a encore de bonnes surprises, quelques anecdotes que je souhaite vous raconter.

Tenez, je me souviens de ce voyage d'ados. Ils partaient pour une semaine en Allemagne, hébergés chez l'habitant. Comme le veut la politesse, chacun avait emmené un petit cadeau. Soudain, le monde si bien rangé des valises se mit à murmurer, à tempester. Bref, ça n'allait pas fort.

    • Dites donc, d'où vient cette odeur ? Interroge une grosse valise usée. J'ai jamais rien sentit de pareil.

Sa petite voisine, légèrement intimidée, rougie. C'est son premier voyage, elle se sent un peu écrasée. Et l'odeur provient d'elle.
Il semble que les allemands raffolent de fromages français. Alors, Camille avait glissé dans sa valise un reblochon. Les heures et la chaleur aidant, celui-ci se laissait un peu aller. Beurkk !!!

Et ce départ vers Athènes, en juillet, lorsqu'on me signala la présence d'un étranger à bord. Il s'agissait d'un énorme sac à dos bourré à craquer. Ses voisines et voisins, plutôt taille de guêpe, pensez donc, ils n'avaient que des serviellets de plages et maillots de bains à transporter, s'étonnèrent. Les moqueries fusèrent.

    • Eh bien, t'as pris du poids cet hiver ! On t'a pas dit qu'on allait voir la mer ? hurla un sac noir.
    • Tes poignées, mon gars, c'est plus des poignées d'amour, renchérit une autre.
    • Ben ! Euh... ! Ben ! Bafouillait le pauvre sac à dos, ne sachant oùu se glisser pour être oublier.
    • Allez, vide ton sac ! ( Eclats de rires ) t'as quoi là-dedans ? Ne nous fait pas languir dit une valisette rose.

C'est ainsi qu'il expliquat avoir des vêtements de haute-montagne : vestes, pantalons, gants, bonnets, et tout le matériel nécessaire à l'ascension d'un huit mètres. Tous les autres en eurent froid dans le dos.
    • Mais, tu fais fausses route l'ami. Tu vas où ? questionna le premier.
    • Ben ! En Hymalaya ! C'est pas le bon vol ? Répondit-il
    • Hahaha, hahaha ! Il veut s'envoyer en l'air. Eh mec, t'es dans la soute d'un autocar de tourisme qui va voir la mer. Ça te dit quelque chose le mot plage.
    • Un peu, répod fièrement le sac de montagne, j'y suis allé l'année dernière.

Face à tout ce remue-ménage, l'intervention du chauffeur de car fut salutaire. Il fit le nécessaire pour que le clandestin retrouve la bonne destination.

Ce sont des souvenirs marrant. Malheureusement, une fois nous ne sommes pas passés loin d'un drame.

Des gamins, en attendant le départ, jouaient à cache-cache. L'appel avait eu lieu sur la place du rendez-vous. Lors du recomptage des enfants dans le car, les accompagnateurs s'aperçurent de l'absence du petit Jules.

    • Qui a vu Jules pour la dernière fois avant de monter ? demande le maître.
Ses copains expliquent qu'ils ont jouer à cache-cache. Les adultes ressortent et font le tour du véhicule. Le chauffeur entend taper de l'intérieur de la soute. Trop bien caché, Jules se retrouvait enfermé. Tous le monde s'est pris une ramonée. Je crois sans mentir que tous s'en souviennent encore.

Heureusement des cas comme ça, je n'en ai pas beaucoup en stock dans ma mémoire. Le plus souvent, ce sont des problèmes de bouteilles de shampoing qui fuient, de roulettes cassées, de bagages confondus...

N'empêche que j'ai la mélancolie qui me gagne. Toutes ces années à transporter des bagages de toutes sortes et savoir que, ce lundi 11 avril, c'est mon dernier voyage, j'ai le moral à zéro.

Des kilomètres et des kilomètres et voilà le TERMINUS, le mien. Tout le monde descend définitivement.

Tout à l'heure ma porte s'ouvrira. Des mains s'arracheront les sacs. Il y aura des rires, des embrassades... Et moi j'aurais de larmes car personne n'aura une pensée, un regard pour moi, la soute à bagages, lorsque la porte pour la dernière fois se refermera
Après, je crois que l'autocar part à la casse.


© Laurent SILVIN, lundi 11 avril 2011